J’avais pris l’autre fois deux jours de vacances, que je collais au week-end de la Toussaint afin de pouvoir s’aérer quelque part avec mon marcassin Ardennais. Le pire étant que j’assumais cette action de pingre des congés heureux. N’oubliez jamais que celui qui utilise les jours fériés pour optimiser ses vacances est le même qui demande de diviser les notes du restaurant, ou bien qui va manger au McDo quand il y a un verre gratuit avec le menu. Je vous demande donc à tous de me pardonner.
N’ayant pas assez de temps pour partir visiter l’Alsace ni assez de sous pour partir explorer Las Vegas, nous nous sommes rabattus sur la belle côte Cantabrique, aussi verte que Hulk quand il se met en colère. La mode étant à palabrer sur le sud de l’Espagne, nous aimons dériver à contre courant dénicher les trésors du Nord du pays, mélange de caractère et d’authenticité des populations balayées par les tempêtes du golf de Gascogne. Au sein de ce paysage découpé par les caprices de la nature, les hommes ont les mains sciées par les filets de pêche et les femmes sentent l’anchois. Il est inutile dans ce genre de périple de chercher des températures à vous donner la fièvre ou des Sévillanes à vous faire perdre haleine. Cela tombait à pic, ayant avec mon épouse cette envie commune de marier nos museaux à la brume.
Nos fions posés dans la balnéaire Santander, nous voilà livrés à nous-mêmes pour écrire notre belle histoire en essayant d’éviter tout déboire. Ma belle brune de l’Est, telle une polissonne coupable, m’avouait avoir déjà potassé sa journée rêvée. Lorsque la gredine commençait à jacter sur les musées de la cité, je me demandais d’un coup si mon visage avait changé. Un tour dans la salle de bain plus tard, et me voilà rassuré, j’avais toujours la façade d’un décérébré et le nombril d’un petit béquillard aimant plus le lard que l’art. Si un aveugle a besoin de sa canne pour se faire guider dans la vie, moi c’est l’amour qui me conduit, jusqu’à notre premier musée… Ma charmante amante m’avait quand même fait la promesse qu’elle n’allait pas seulement avaler une exposition aujourd’hui. Après avoir pris cette information avec intérêt, elle me calmait de suite en évoquant son envie d’aliments iodés.
Son désir étant souvent réalité, surtout lorsque ce dernier me convient également à souhait, nous décidions de s’attabler sur pilotis afin de sentir le goût du pays. Traverser les Pyrénées est l’occasion de jouir de la vie au travers de la belle friture, tradition farineuse qui dure depuis toujours et qui rend ma brioche heureuse. Aimant avant tout se sustenter localement, nous jetions notre dévolu sur les fameux « Rabas », sorte de phalanges dorées des mers, que l’on aime arroser d’un filet de citron avant de les déposer sur sa langue, les doigts aussi huileux que les cheveux du patron volumineux. La consommation de ces céphalopodes décapodes est aussi courante en Cantabrie qu’à Meaux est le brie. En effet, les eaux de l’Atlantique léchant le rivage sont riches de tentacules n’attendant qu’un dénouement, le berceau des filets avant de se faire fariner tendrement. On ne transige pas avec le calamar à l’apéritif !
La serveuse nous amenait la population marine par la queue du panier, d’une poigne ferme qu’envierait un pré-pubère dans sa chambrée. Le papier journal tapissait la marée pour mieux nous rappeler que la becquée serait aussi grasse que le gazon de Wimbledon après que la pluie s’y soit invitée. Pas de raquettes ni fourchettes ici, juste des piques qui nous serviront à faire découvrir l’acuponcture à notre manger. Le blanc frais qui venait côtoyer la texture caoutchouteuse du met était là pour nous interpeller que notre choix était sûr. La frisquette brise tourbillonnante, elle, nous faisait ressentir que Marrakech était loin de nous faire une bise. Bref, nous passions un moment d’une belle coquinerie gustative, entrainés par notre conviction que nous gobichonnions avec les doigts au bon endroit.
