Pour ceux qui me lisent depuis un moment, vous savez que le mois de mai correspond à l’enchaînement des anniversaires de mes deux parents aimés. D’abord celui de mon père, puis récemment le passage d’une année supplémentaire pour ma mère. Je ne vous apprendrai pas non plus l’importance de cette date pour un fils unique, avec le devoir de programmer une échéance calorique et iconique. Je vous avais en effet avertis de l’appétit de vie de la bougresse charentaise, et de son sens du placement quand il s’agit de se délecter avec aise. Bref, vous l’aurez compris, j’avais vissé ma casquette d’organisateur de jouissances à toute heure, pour n’espérer qu’une chose, lui procurer du bonheur.
Après une matinée déjà nutritive, aussi remplie que le frigo d’un boulimique, nous nous dirigions vers une maison de goût dont le patron avait une vraie gentillesse distinctive. Ce fut notamment un précieux compagnon de croûte lors de mon récent séjour marocain. Le chenapan aime le bon, et nous venions lui dire qu’il avait raison. Vas-y papa, appuie sur le champignon, je sens l’asperge qui nous attend drue de passion. La table du midi se trouvait à Biarritz, ville bien connue pour abriter un club de rugby en perdition et de nombreuses mamies promenant leurs bichons. Lorsque nos cabines apparurent sur le seuil de l’accès, le tenancier nous accueillit avec la détermination d’une salade césar devant des croûtons aillés. Quel plaisir d’être pris en charge jusqu’au napperon de notre sainte becquée. Allons de ce pas nous sustenter…
Alors que les verres de vin de choix s’enchaînaient avec la modération d’un Indien devant un feu de joie, nous étions littéralement en marche vers le succès. Nos papilles rugissaient de plaisir à chaque coup de baïonnette, pendant que j’entendais le bien-être de maman dans mon oreillette. Aussi, nous avions opté pour le même plat. Une divine volaille fermière, entourée de sa garde rapprochée venue de Provence. Les coquines asperges vertes étaient aussi fermes que Darmanin devant une immigration d’importance. Je ne sais pas vous, mais j’ai toujours préféré cette variété aux blanches landaises. Plus filamenteuses pour ma pomme, mais moins rieuses. Le volatile portait ce midi-là un élégant chapeau fait de morilles fraîches, et de dés de comté. Inutile de préciser qu’il n’a pas gardé sa coiffe longtemps sous nos nez. Nous gratifions l’oiseau de quelques francs crocs dans son béret, afin de l’effeuiller avec le seul bruit de nos mâches préméditées. Et puis, il y avait ce jus potable, sorte de pédiluve pour gallinacé. La marée basse était légèrement crémée, et composée de vin d’Arbois. Face à ce suc, mes parents ne paraissaient pas aux abois. Les sapajous sauçaient avec surpassement la vaisselle, aussi blanche que la peau d’un Danois ! C’était l’heure pour la bête de se reposer dans nos estomacs, pendant que nous commandions la suite de ce pas. Un Saint-Nectaire dans une ambiance tout sauf délétère…