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Epicurisme autour de l’agneau de lait

Julien Fournier

Lorsque ce plat arrive devant son tarin, la salle entière sait déjà que vous aviez faim. Le serveur doit quasi passer les portes de la cuisine de côté, par crainte que l’os se fasse du plat botté. Quand vous commandez ce genre de met, il ne faut également pas craindre le regard stupéfié de la végétarienne d’à côté. Allez-vous lui proposer d’arroser ses plantes de notre jus de viande ? Non. Alors laissez-la en paix et pensez qu’elle pourrait se cacher derrière un crayon à papier. Pendant que votre manger encore entier trône sous vos yeux écarquillés, sachez que vous serez épié par les gloutons lestés du quintal, qui trouveront peu banal qu’un chaland aussi lourd qu’une mouche s’attaque à ce morceau impérial. Ils ne me connaissent pas ! D’autres n’iront jamais voir la tour Eiffel, c’est la vie.

J’avais commandé lors de ce dîner une des vitrines de la cuisine carnivore ibérique, dont le jus est un élément fantastique. La bête coincée dans sa piscine d’onctuosité, a été autant arrosée que jadis un pilier du grand Béziers. Dans ce lieu d’extrême gourmandise, on traite la bestiole aussi bien qu’un couteau à Laguioles. Et cela se répercute assurément en nous mettant un uppercut à chaque bouchée, avalée tendrement. La câlinerie abusive permet même la découpe à la fourchette, afin de déposer à l’animal une bise. Il y a donc bien autre chose de plus suave que le Perle de Lait de chez Yoplait. Ne vous fiez jamais à la mauvaise publicité, sans aucun doute seulement à la bonne croûte.

L’agneau, que je sentais à l’aide de mon groin, avait cette odeur alléchée qui m’émoustillait à point nommé. Sa jeunesse, à vrai dire tronquée, était faite de produits laitiers car exclusivement nourris au lait de son affectueuse mère. C’est comme si vous vous sustentiez pendant deux mois uniquement de Fjord de Danone. Si en plus vous avez la chair blanche et que vous vous appelez Arnaud, on pourra facilement vous confondre avec un Arnaud de lait. Quelques coups de fourchon plus tard et me voilà transporté dans un sentiment de plénitude, à la saveur délicatement noisetée c’était une certitude. Ma femme me regardait prendre du plaisir comme si nous étions au Liberty’s de Bénèsse-Maremne, alors que contrairement à l’intérieur de cette boîte où les échangeurs sont plus nombreux qu’au delta rhodanien, mon plaisir divin était exclusif. Je me sentais chanceux de rousiquer une viande de cette qualité, provenant des pâtures de Castilla-Y-León, communauté aussi riche culinairement que le fondateur du Toblerone l’est financièrement. Je commençais même à comprendre les enrobés que j’avais pu croiser dans l’après-midi sur la chaussée, et que je pouvais qualifier d’excessifs. Le mot juste était en fait énonciatif.

Etant aussi enchanté devant ma gamelle qu’un Portugais le serait au salon de la truelle, je décidais dans un élan de partage de proposer un morceau de bidoche à ma compagne. En imaginant la récompense fondre sous sa langue comme un cachet de migraineux, je discernais dans ses yeux le bonheur d’une générosité de nos jours trop souvent oubliée. Attention tout de même, n’allez pas vous imaginez que cet altruisme traduisait d’une quelconque sensibilité pour un parti de gaucher. Mélenchon pas tout !

Il était bientôt l’heure de se quitter avec le serveur qui m’avait démasqué pour si bien me conseiller. Si ce dernier m’était attribué, pour ma part, j’étais de l’abandonner attristé. Il ne restait guère plus qu’une ossature bandante vers le ciel au fond de mon écuelle, me rappelant mon préalable délice ainsi que ma charpente de vieille bâtisse. En toute modestie…

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