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Epicurisme autour du chèvre chaud

Julien Fournier

Laissez-moi rentrer de suite dans le vif du sujet face à mon incompréhension de ne pas aimer le fromage fondu. Il est inconcevable pour moi de se priver de cette matière coagulée à température rêvée, sous prétexte incongru d’une lourdeur assumée ou d’une grasse matinée. Comment peut-on accepter la vie en dédaignant autant le sentiment fromager ? Quelle est la cause de ce déni nutritionnel qui est pour ma part passionnel ? Les questions sont légion quand il s’agit d’essayer de comprendre l’impossible raison. Cet océan de bonheur à odeur est pourtant synonyme bien souvent de convivialité, dans laquelle les mets se partagent à plusieurs affamés.

N’étant pas originaire d’une région ou le fromage fond avec émotion, je n’étais pas prédisposé à tomber dans le poêlon étant nourrisson. A la maison, on mangeait autant de chaud frometon que je ramenais de l’école des mentions, jamais. Malgré tout, ma curiosité s’affinait telle un comté avec l’âge, jusqu’à la découverte charnelle de ma première raclette. Et croyez-moi, je n’y étais pas allé avec des pincettes. Les effluves nourrissantes des propositions fromagères recevaient à chaque fois de la part de mon tarin un accueil sincère et un toit prospère. J’avais compris très vite qu’il n’était pas obligatoire d’être gardien de refuge alpin pour apprécier l’adipeuse becquée, ni skieur chevronné. D’ailleurs, au lieu de chausser leurs sabots de robot, ils feraient mieux de chausser aux moines afin de satisfaire leurs arrondis de sportifs en manque d’apéritif. Pour ma part, mon système digestif a vu au fil des années passer diverses variétés de différentes nationalités. On adore par exemple tremper sa longueur dans l’Italienne, grâce aux frites maison nageant dans une sauce au Gorgonzola. Plus étonnant encore, on aspire facilement à humidifier son bout dans une anglaise par le biais d’un vieux cheddar au regard de braise. Le fromage n’a pas de frontière, et ses nombreux adorateurs font qu’il n’est pas prêt à fondre comme neige au soleil. Seulement dans mon écuelle.

Cette semaine, mon marcassin Ardennais et moi étions dans un restaurant bien connu du canton, affalé pour ma part sur la banquette en position d’attente de fellation. Cette posture de primate décérébré consiste à s’enfoncer le tronc allégrement dans le molleton, afin que vos lombaires puissent regarder dans les yeux vos talons. La bobine, elle, doit rester droite en guise de périscope dans le but de gémir à la serveuse son souhait de s’empiffrer. La carte sous le nez promettait en entrée du chèvre chaud et son pain grillé. Les 25 degrés extérieurs paraissaient être une température idéale pour ce bonheur. Mon dernier mot sera celui-là.

La proposition maintenant sous mon groin, j’avais le devoir de respecter véritablement la biquette imbriquée dans sa barquette. Le parfum de la bête était agréable à la narine, tant le thym dégageait un air de jardin. J’appréciais d’ailleurs fortement l’effort du cabri de s’être présenté à moi avec la coquetterie d’un marquis. Le pain grillé, lui, était caramélisé comme une évidence, ne me laissant pas le choix que de le croquer énergiquement avec je dois le dire, une certaine aisance. Le moment de vérité arrivait, avec la manipulation ultime pour tous mangeurs d’acides gras chauffés, la généreuse saucée. Profitons allégrement de cet instant, avant que l’ensemble des senseurs de la planète s’en prenne aux « sauceurs » amateurs de trempette, pour cause de maltraitance animal à la mouillette. Ma joie était si intense lorsque le chèvre imbibait de tout son lait les alvéoles du boulanger, que j’en oubliais les calories avalées. Il sera toujours temps d’aller gambader ultérieurement jusqu’à notre prochain restaurant, avec l’espoir de fondre comme ce fromage de chèvre, mais surtout de se laisser croquer à notre tour par notre gourmande fièvre. Ne vous inquiétez pas, je n’avais pas oublié de remercier la serveuse de m’avoir mis un pot de verdure en décoration, allant d’ailleurs très bien avec la couleur des coussins.

Je vous laisse, ma pièce de bœuf arrive tel le messie, ou comme Messi je ne sais plus, puis je devrais finir le burger de ma déesse…
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