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Epicurisme autour des pâtes aux crevettes

Julien Fournier

Lundi dernier, sur les coups de treize heures trente, la soif m’envahissait avec la crainte de finir desséché. N’étant pas un fossile, le besoin de s’abreuver était vital sous peine pendant quelques jours de pissouiller foncé. Si le bédouin n’a pas besoin de sucer la gourde fréquemment, le confort européen fait que nous sommes des esclaves de la flotte assurément. La cruche, que j’allais pinter aussi sec qu’un pet sur une toile cirée, n’allait en rien m’enlever le goût de la félicité que je venais d’avaler, mais juste soulager ma bouche persillée. Lorsque ma langue transperçait le fluide, la sensation d’adoucissement était telle que seuls les commerciaux de chez Soupline pouvaient comprendre que ma délivrance n’était pas anodine. Mais qu’ai-je bien pu bâfrer pour avoir cette envie de m’étancher à grands coups de robinet…

Tandis que ma femme me voyait revenir de mon escapade matinale, l’heure du déjeuner approchait inévitablement, avec son lot d’espérances quand à la future bectance. Ma diablesse avait déjà choisi notre destination culinaire, puisque nous embarquions sur les rives Italiennes grâce à des pâtes aux crevettes que la gredine maîtrise comme Calgon domine le calcaire. Comme dans une salle d’attente, les crustacés attendaient sur la paillasse de se faire décortiquer par les mains expertes de ma chirurgienne des fonds marins. Décapiter à la chaîne cette espèce aquatique demande de la précision. Le doigté, lui, sera pour les queues. Puis, les chairs rosées ne demandaient qu’une chose, se frotter à l’ail pour une poêlée endiablée. Ma divine faisait alors sauter le tout dans une chorégraphie dont elle connaissait chaque ondulation. Comment peut-on résister quand dans une famille la cuisine est passion !

Je vous l’avais peut-être un jour ébruité, mais mon ardennaise d’origine transalpine aime l’ail. Disons qu’elle a la gousse facile. Si vous préférez, c’est sa signature et mon ticket pour le pichet. D’ailleurs, elle se gosse souvent lorsqu’elle a conscience que je chopinerai comme un veau après un souper, mais que voulez-vous, elle a le goût comme juge de paix. La plante potagère faisant fouetter du bec est une actrice principale de l’art culinaire de ma zouave. Il est vrai qu’elle agrémente fréquemment ses gamelles de ce bulbe sans en être esclave. Les tagliatelles pouvaient également en témoigner, tant elles recevaient invariablement un crachin de pousses terrestres qui les saupoudraient.

Les féculents s’avalaient sans peine, les crevettes ayant décidé de s’offrir affectueusement à mon haleine. Le léger persil, lui, trouvait comme cachette mes entre-dents tel un chevalier derrière une meurtrière. Il paraissait dissimulé, malgré sa couleur verte qui le rendait visible et donc vulnérable comme un fusible. Il sera en effet dégagé à coups d’annulaire pour le rendre à nouveau comestible. Ne jamais jeter les restes !

Plus nous arrivions sur la fin de notre festin, et plus les verres d’eau s’enchainaient comme les pipes au bois de Boulogne. Les savoureuses pâtes de ma bienheureuse sont comme Oncle Ben’s, toujours un succès. Un enchantement gustatif que je devais aussi à la passation de savoir entre ma friponne et son aïeule. Mais je me disais surtout que j’avais, ce midi là, de la chance d’avoir une gourde à mes côtés, qui me faisait de l’oeil. Ne vaut-il pas mieux l’avoir à cette position là plutôt qu’en face de soi ?

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