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Epicurisme autour des oreilles de cochon

Julien Fournier

Qu’il est bon de se pencher sur un cochon, afin qu’il puisse nous susurrer son envie de se faire déguster par un gourmand. Dans ce cas-là, l’animal n’a pas besoin de crier son désir lorsque son interlocuteur est soucieux de ses dires. Je veux bien être ce partenaire de ballet, qui murmure son amour à l’oreille du goret. Je veux bien être ce confident, prêt à recevoir du monde porcin les bruissements. Je veux bien être ce confesseur, qui écoute les secrets d’un amour que j’aime gobichonner à toute heure. L’appétence de me courber sur la bête afin d’exaucer sa volonté de se faire apprécier m’apparente à un psychologue pour groins complexés. Vous êtes-vous déjà incliné sur le sujet ?

Si les flageolets de ma grand-mère sont pour moi une véritable madeleine de prout, les oreilles de cochon en sont, elles, de Proust. J’avais découvert ces délicieux cartilages sous forme de cassolette, grillés à souhait, sous le soleil de la Plaza Mayor de Salamanque. Mes parents, deux beaux sapins ayant souvent faim, m’avaient emmené il y a quelques années sur ces terres où l’on mange bien. Même la cochonnaille dans sa campagne se délecte goulument de jolis glands. Disneyland pour un habitant de Mykonos !

Je me souviens de ma première fois, lorsque entre mes doigts le gras brillait telle une médina au soleil couchant. Ce petit bar à l’angle de la place ne payait pas de mine, mais y faire une étape était nécessaire pour cause de soleil soûlant. De plus, mes géniteurs avaient coché l’endroit comme une référence de la ville dans la préparation de cet abat passion. En fait, c’était un peu notre “Mecque” à nous, pensais-je devant le brave mec derrière son comptoir. Je ne me souviens plus trop si j’avais l’âge de biberonner autre chose que du lait, mais croyez-moi que depuis cela a changé ! Je peux ainsi vous assurer qu’accompagnées d’un godet de rouquin, les cochonnes écoutilles se collationnent avec impétuosité.

Depuis ce périple familial en terre ibérique, qu’elles soient poilues ou aussi pelées que le sommet du mont Ventoux, la présence d’oreilles dorées me fout la trique. Il n’est pas rare dorénavant que je me laisse tenter dans le commerce par ces chairs de bonheur, ou que j’en profite lors des repas familiaux avec ardeur. Une petite portion en apéritif sur les coups de onze heures est un sentiment tout aussi agréable que d’en croûter lors d’un agréable dîner. On appelle cela le plaisir à toute heure. Mon héritage familial fait en sorte que je ne sois jamais dur de la feuille quand il s’agit de répondre présent afin d’honorer l’oreille tendue.

Alors imaginez un peu l’euphorie que j’ai pu ressentir le week-end dernier au moment où ma maternelle, sourire malicieux aux lèvres, me tendait une mini-écuelle de ce mets que je raffole de considérer. La rareté faisant la richesse, nous étions ce midi-là entre millionnaires au vu de la taille des rations. Remarquez, ne dit-on pas que “plus c’est petit, plus c’est si bon”? La fourchette à deux dents était notre outil de travail, afin de saisir délicatement les collantes victuailles. La mâchouille des cages à miel du cochonnet demande de l’élasticité, tant le porcelet aime se cramponner aux dentiers. Un passage de langue régulier sur votre dentition baignée, redonnera ce goût si distinctif de votre bectance avalée avec un entrain jouissif.

Comment ne pas à chaque bouchée me remémorer l’endroit où l’amour pour ce péché grassouillet a commencé. Le relief en bouche de mes oreilles m’envoyait tout droit dans la région salmantine avec ses pâtures en sous-bois. La préparation de ma mère en persillade, me rappelait que les cochons sont en totale liberté sans aucune palissade. La succincte odeur de grillé me racontait la somptuosité d’un terroir vrai. En définitive, comment perdre la mémoire de ce territoire d’élevage, surtout en godaillant quelques années plus tard des produits à son avantage.

Il était bientôt l’heure de passer à table, l’occasion pour l’oto-rhino-laryngologiste que j’étais de prescrire à mon patient, la survie du mode de vie de ses frères pour notre plus grand appétit.

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