Il pleuvait bonnement ce soir de fête de la musique. Étant aussi mélomane qu’un anorexique aime les copieux banquets, je souhaitais surtout bien manger avant d’écouter un marginal à la voix problématique. Les terrasses proscrites, il restait à trouver une niche douillette pour mon poids de caniche boulimique. Pour certains, célébrer la mélodie se fait de concert en plein air, mais pour nous, l’envie de s’enfermer en écoutant le bruit des casseroles des popotiers serait une étape aventurière. Enfilons un pantalon, et allons murmurer à l’oreille d’un coquin cuisinier.
Les chanteurs lyriques du groupe Sexion d’assaut chantaient jadis Ma direction. La notre prenait un court chemin depuis mon domicile, histoire de pouvoir rentrer avec l’ivresse de la promesse mais de façon docile. Connaissant uniquement la zone géographique, je me laissais porter par la surprise de ma polissonne collaboratrice de vice. En effet, la chipie aspirait à me faire découvrir un endroit qui allait me flatter le magret. Seul indice, ce n’était pas surfait comme beaucoup d’auberges aux à cotés. En avant l’antilope, la faim vient aussi vite qu’une diarrhée inopinée.
Arrivés devant le lieu du régime, je comprenais vite que la comptine que l’on proposait de me susurrer ne sentirait pas la frime. La partition s’annonçait fondée d’une véritable bienveillance, que je remarquais par l’accueil des tenanciers. Ainsi, de francs sourires décoraient les cabines patronales, lorsque nous entrions dans ce lieu que nous espérions peu banal. Diable, l’agencement est un peu extravagant mais tellement rassurant ! L’impression d’être à la maison prend alors tout son sens, et les nôtres revendiquaient la volonté d’être en transe. L’heure est venue pour l’asticote de faire étendre nos croupes d’hurluberlus, puis de nous conter, que le temps n’était à table, pas compté.
Les entrées se ressemblaient pour notre tablée, puisque nous avions craqué les deux pour un œuf mollet. Qui a dit qu’il fallait être kiné, pour jouir d’un beau mollet dressé devant des yeux écarquillés. Ici, la gamète expulsée énergiquement par la poule était panée. L’ensemble s’apparentait à un beau testicule de cigogne dorée, sorte de fardeau pour oiseau. Il est sûrement compliqué de s’élever quand une masse princière trône entre les poteaux. Bref, comme dirait mon ami couturier, revenons à nos boutons. Outre l’esthétisme évident de ce mets, il flottait sur l’émulsion de champignons un navire immergé. Croyez-moi que nous n’avions pas besoin de scaphandre pour tutoyer de près cette sphère de joie. Alors que je décidais de fendre l’armure en deux, le jaune coulait paisiblement jusqu’au mariage rêvé avec les sous-bois. Quelques coups de cuillère suffisait alors à ramasser l’alliage chimérique. Nom d’une pipe en bois de saule pleureur, même ma moustache profitait allègrement du suc enchanteur. Viens ici chérie que je t’imbibe le museau ! Tenons-nous pardieu…
Les petits brigands de restaurateurs avaient annoncé quelques notes de musique, pour faire pousser le diner aromatique. Hormis l’acoustique de mon ventre à la sortie de ce repaire de glouton, nos cages à miel ne furent dérangées pas le moindre son, sauf le précieux faisant la jonction entre la belle brigade du bon. Messieurs-dames, à quand une soirée chapeau, mollet et pote en cuir ?