Le week-end dernier, le calendrier faisait la part belle aux festivités pascales. Ma femme et moi étant aussi croyants que Gilbert Montagné est voyant, la galéjade printanière se fera comme d’habitude uniquement autour de la pitance. Les gens ouverts que nous sommes laissent volontiers chacun célébrer la résurrection de Jésus comme il l’entend. Notre croyance périodique va plutôt vers notre boucher, et nos prières en direction de la qualité de l’agneau. Oh nom du père, du fils mais surtout de la Sainte souris ! Et puis, pourquoi attendre dimanche et la messe pour être connecté à ce week-end férié. Fêter Pâques chez nous, c’est la possibilité d’être acteur de son destin, et ce dès samedi matin. Banzaï !
Sanctifier cette date symbolique est la promesse de trois jours faits de goûts et de liesse. Même dans une maison de campagne en bois, il y a moins de termites que de chocolat. Quel plaisir en outre d’aller cacher pour une fois les œufs à sa femme. Cela évitera qu’elle puisse nous les casser. Comme dit mon cousin ibérique, «ce qui est brie est brie». Ce con a déjà trouvé le fromage ! Le petit hic avec ma femme et moi, c’est que si les cloches ne nous apportent pas d’oreilles de cochon, cela ne nous intéresse pas. Nous préférons donc envoyer à la recherche les petits de nos amis, en espérant qu’ils ne croisent pas le voisin, surnommé le chocolatier du quartier depuis son passage par la case prison. Pour notre part, rentrons à la maison nous occuper du jeune mouton.
Pour ceux qui ont l’habitude de consommer mes chroniques, vous ne serez pas surpris de découvrir l’aspect italien de mon festin « Pasquale ». Ma cantinière maitrise la gastronomie de ses origines pour le plus grand plaisir de mon régime. Elle m’a promis de câliner la bête de façon charnelle, et de lui faire ressortir tout son potentiel. Je parlais de l’agneau, et j’ai déjà tellement chaud. L’animal dans le four dégage une prestance rare, laissant entrevoir un futur rempli d’espoir. Le jeune mâle pâturait les champs, il est maintenant gratiné de parmesan. Quelle chance doit-il avoir dans son manteau Reggiano. La rencontre de l’agneau et du fromage de lait de vache est un mariage savoureux, possible au premier regard. L’atmosphère du lieu est maintenant comblée par l’odeur du déjeuner. Je ne dirais pas que je suis à deux doigts de jubiler, étant en incapacité pour cause d’ouverture d’un beaujolais, mais tout de même, quel pied ! La cuisson est aussi lente qu’une limace, afin que la tendreté de la viande soit assurée. Les pommes de terre tapissant le plat changent de coloration pour nous dire que le test est positif à l’extrême-onction.
Ce concentré du Sud-Est de la botte arrive sur la table, caramélisé à souhait, avec le désir pour ceux qui le découvre d’en découdre. L’unanimité du résultat se traduit par une symphonie en bouche, dont les arômes seraient les doux musiciens ne jouant pas à la louche. Cette justesse ensoleillée nous donne l’obligation de l’honorer. La tendresse de la viande est telle que le cousin espagnol croit déguster de l’agneau de lait. Il n’a toujours pas compris que la matière première vient de la boucherie Delet. «Non non Roberto, ce n’est pas de l’agneau de lait, c’est de l’agneau de chez Delet.» L’incompréhension est souvent dans la langue, jamais dans le palais.