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Epicurisme autour des langoustines gratinées

Julien Fournier

Dans le monde très fermé des crustacés, lorsqu’une langoustine a la queue qui s’élève, il faut l’accueillir telle une maitresse dont on serait l’élève. C’est ainsi que j’ai pris la vie mardi dernier, pour un déjeuner dont mes papilles ont raffolé. J’étais en effet convié à une sauterie gustative de l’autre côté de la frontière. Mes lacets faits, je me dirigeais alors vers l’Espagne, ma future mère nourricière. Le peu de carburant qui remplissait mon automobile suffisait à me transporter vers mon rendez-vous qui s’annonçait volubile. Trois prospects à la goulotte respectable étaient attendus autour de la sainte table. Le soleil radieux à travers le pare-brise chauffait mon haut de cuisse, comme une tablette de chocolat embraserait un Suisse. Je me sentais disposé à jouir d’un moment de convivialité que je savais de qualité. Ainsi, tout était réuni pour que l’événement n’ait pas de prix, hormis pour celui qui gentiment nous inviterait. Promis, nous ne prendrons pas de sucre avec le café !

Le comportement ibérique autour d’un guéridon de goûts étant différent de celui du pays de René Coty, le partage des entrées était la clé du succès pour accentuer la notion d’hospitalité. Nous allions taper dans le cornet du voisin comme chez l’organisateur d’un collectif coquin. Savoir honorer son prochain d’une franche mastique est signe de respect et de considération. Allons-y gaiement ! Deux bougres se tournaient vers des artichauts frits au jambon, tandis que la troisième larronne, plongeait attraper des langoustines gratinées. Que du bon. Connaissant l’auberge bénite, même dur de la feuille, l’appel de chardon cultivé n’a rien d’insolite. Pour ce qui était du crustacé, suçoter ses pinces fut une expérience nouvelle, dont je comptais profiter de façon appliquée. La première bouteille de rouge siphonnée, nous attendions nos prologues avec des airs de carnassiers.

Oh mazette ! La vaisselle blanche soutenait des coquineries qui me faisaient impulsivement dresser la branche. Je paraissais instinctivement emporté d’une fièvre incontrôlable. Quel bonheur cette avalanche. Les écuelles se présentaient en milieu de table, faisant la jonction entre nos énergies affables. Les artichauts semblaient en paix, recouverts d’une couette translucide se nommant jambon rêvé. Et que dire de l’animal marin, aspergé d’un jus de félicité comme un œuf souillerait le crâne d’un député. Ce bijou se gobichonnait avec les doigts, avec l’espoir d’être maculé de joie sans se tacher la courroie. Mes boudoirs de pianiste décortiquaient la proposition iodée, avec la méticulosité d’un chirurgien chevronné. J’atteignais enfin la chair, que je découvrais aussi délicate que ma kiné avec mes lombaires. Que dire de cette préparation gratinée, entourant la langoustine avec la chaleur d’une famille endeuillée autour d’un macchabée. Je vous le promets mes divins esturgeons, nous nous trouvions bien dans un lieu à la délicieuse connotation.

La suite garantissait l’excellence, puisqu’une saignante de plus d’un kilo allait finir par nous remplir la panse. Mais véritablement ce midi-là, la révélation venait des habitantes des terriers vaseux, ces crustacés que j’avais aimé et qui m’avaient rendu chanceux. Dieu sait que dans ma jeune vie, j’en ai liché des aquatiques nageurs, mais rarement avec cette si admirable saveur. Nous sortions de table en milieu d’après-midi, avec des sourires d’Antillais devant une prestation de zoukeurs. Mes farouches asticots, je vous l’avais dit, il est impossible de résister à la langoustine lorsqu’elle a la queue qui s’érige devant vos canines.

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