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Epicurisme autour de l’échine de cochon

Julien Fournier

Le mois de mai est pour moi un marathon festif, dans lequel les célébrations s’enchaînent comme les levrettes dans les dunes du Cap d’Agde. Donnez-moi l’anniversaire de mon père, suivi de celui de ma mère, puis sa fête, avant d’embrayer sur la saison solaire et ses merguez à l’air. Alors bien entendu, je ne viens pas écrire ces quelques mots pour me plaindre, aimant autant le produit que Pantani. Seulement, encaisser une période de telle félicité est un effort de marathonien de la becquée. L’estomac doit être relâché, afin d’accueillir sans insalubrité les nombreuses bouchées. En résumé ? On est loin de la faim des haricots. En parlant de ces dragées chargées en explosif, ils étaient au menu du diner du 2 mai, jour d’anniversaire du patriarche. Ces polissons accompagnaient l’agneau magnifiquement, pour former un duo aussi à l’aise que Manuel Valls sur un plateau. La prise de cette légumineuse nous rendait en outre précieux, stockant du gaz tous ensemble avec un air chanceux. Dieu sait qu’en cette période de tension énergétique, l’absorption de ces haricots blancs nous est bénéfique. Mais abordons sans attendre le lendemain de ce festin.

En effet, pourquoi se priver de fêter une naissance le jour d’après, lorsqu’une table nous fait du pied. Nous avions donc prévu d’aller nous sustenter dans un restaurant bayonnais, où la qualité est aussi certaine que Mme Hidalgo fait de la peine. Imaginez ! Nous arrivions ballonnés à l’heure de la réservation, mais satisfaits de se trouver dans ce lieu du « bon ». Devant nos expressions de boulimiques, les cartes ressemblaient à des romans humoristiques, au vu de nos sourires qui en disaient long. Les fines bulles champenoises me faisaient roter intérieurement, faisant leur travail de digestion avant que mon corps accepte à nouveau de se remplir de passion. Au programme, un œuf en prologue, puis un cochon que j’espère en vogue.

Mon entrée se voulait de standing, agrémentée d’asperges croquantes et d’une coquinerie de fois gras à rendre fière une oie. J’avais à ce moment-là l’impression d’avaler du bonheur, et ce n’était rien comparé au goret qui allait se dresser devant moi. Que vois-je arriver alors devant mon buste ?? Un animal cuit lentement d’apparence robuste ! La quantité de viande pouvait nourrir un régiment de bien-portants, et pourtant c’est bien accompagné de mon seul géniteur que je devais trouver la solution. Il suffisait d’une caresse à l’aide ma fourchette pour attester de la tendresse du groin sur patte, témoin d’une préparation loin d’être à la hâte. Mon ami, viens par ici, nous sommes tout truie !

La découpe était élégante, et s’offrait à nos gosiers depuis un plat de convivialité. L’échine n’était pas venue seule puisqu’elle était entourée de quelques délices printaniers, comme pour nous rappeler que ce n’était pas la saison pour vivre avec raison. Le gourmand ramequin, lui, paraissait inondé d’un coquin liquide qui ne demandait aucune intervention de plombier, mais plutôt d’un sauceur de saveurs. Cela tombait bien, je suis plus à l’aise avec un quignon de pain que devant un siphon. Plus je consommais mon mets, et plus je prenais conscience que dans les médias, on me mentait. En effet, le porc que l’on peut balancer peut être attendrissant à vous faire chavirer. J’en suis une victime par la grâce des heureux.

Enfin comment ne pas épiloguer sur les deux croquettes de pied parfaitement calibrées, apportant une dose de croustillant à une fade vie par instant. La texture fondante sous la dent est aussi réconfortante qu’une bouteille de San Pellegrino le lendemain d’une biture. Le chanteur à texte et à voix Patrick Sébastien aurait pu fredonner à ce moment-là « Pourvu que ça dure, la belle aventure ». Bref, nous nous trouvions dans un concert emballant, où le virtuose jouait de façon exquise sa partition promise.

L’heure de décamper approchée, avec déjà la nostalgie d’un souper émerveillé. Réaliser que le mois de mai commençait à peine suffisait à tranquilliser nos bedaines. C’est donc avec un esprit de conquérant que mes draps m’accueillirent, en espérant rêver d’une suite tout aussi orgasmique. Je vous l’avais dit, les cochons ne sont pas seulement dans les boxons.

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