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Epicurisme autour du poulet du dimanche

Julien Fournier

Le dimanche, jour du Seigneur pour certains, et pour d’autres, jour de lorgneur de festin. En effet, le rendez-vous dominical est une occasion rêvée pour prendre le temps de se pavaner à l’entrée d’une cuisine, tel un paparazzi voulant le scoop du midi. Et que dire si votre journée était précédée d’une soirée, dans laquelle vous étiez non pas enfermé dans une geôle, mais dans une gnole. Ce fut mon cas. Pour résumer la chose, j’avais refait la vie avec une amie pendant une bonne partie de la nuit. Vous me direz, et alors ? C’est très simple, la bougresse venait tout droit des Alpages, là où la chartreuse et l’eau de vie sont bien plus que de simples outils. En tout cas, Raphaël comprendrait ma dalle… C’est ainsi qu’en me levant vigoureusement aux aurores, sur les coups de onze heures, mon ventre exprimait une envie décuplée, que seule ma mère pouvait combler. Prions à sa guise, à défaut de le faire dans une église. De toute manière, même si elle me faisait des salsifis, je serais incapable de lui rétorquer que cela suffit. Comme dirait mon ami volailler, inutile de tirer à poulets rouges sur une âme voulant vous alimenter.

Mon maillot de bain enfilé, mes cheveux détachés, et mes espadrilles trouées descendions d’un pas peu léger, afin d’exprimer une présence qui à table, sera assumée. Une gorgée d’eau plus tard, c’est à dire une bouteille entière, je ne voyais toujours pas ma matrice à l’horizon. Personne ne garnissait l’usine à tambouille, et tout d’un coup, la trouille ! À peine j’avais débandé de mon lever, que mon père m’informait que sa femme était allée chercher le poulet. Rebelote… Il n’y a donc pas que Red Bull qui donne des ailes, mais aussi sa mère de façon intentionnelle. J’étais un jeune homme comblé par l’idée du repas annoncée. Qu’une chose à dire Maman, chapon bas !

Lorsque la loustic revint avec la volaille, l’odeur embaumait chaque mètre carré de la maisonnet. C’est de haute lutte que nous comptions combattre la basse-cour ! Sur la paillasse, une deuxième « poche » trônait face à celle du poulet. Diable, que vois-je d’un furtif coup de pupille ? Des délicieuses grenailles s’entassaient comme dans un immeuble de Manille. Libérons de suite ces testicules d’amidon, calibrées coquinement pour s’amouracher avec la poulaille. L’accompagnement est d’une valeur sûre, tant le traiteur de notre village a l’habitude de l’assaisonner avec coquetterie. Ce faiseur de goût est une aubaine pour la bourgade, ainsi que pour nos panses « made in » piperade. « À table ! » s’exclamait mon éducatrice, tandis qu’elle me voyait déjà installé, en train de débiter un saucisson avec la même hargne qu’un Mélenchon devant un poulet.

La découpe de l’oiseau domestique est toujours un moment attendu par l’assemblée, qui est suspendue à son morceau préféré qu’elle n’espère pas abîmé. Personnellement, j’ai un énorme penchant pour les hauts de cuisse. D’ailleurs, comme chez les humains, c’est un endroit qui se mange sans faim. J’ai un oncle lui, c’est le croupion. Il peut le déguster avec les doigts comme à l’époque de la grande Jonquera qu’il dit. Et puis il y a ceux qui aiment le blanc. Autant à l’apéritif cela ne me dérange pas, mais là je ne comprendrai jamais les chalands aimant le sécheresse d’un mets. Le blanc, c’est le lendemain avec de la mayonnaise et quelques chips pour vous sentir à l’aise ! Il y a enfin la caste des filous attendant les abats. Comme à confesse, je vous le dis, j’en fais partie. La mâche ferme d’un gésier me procure un plaisir invétéré. Sous la dent, la poche gastrique des oiseaux aux parois musclées, qu’elle soit confite ou juste passée à la poêle, est ce que j’appelle un idéal. Comme disait le regretté Tonton David, le Bob Marley réunionnais, chacun sa route, chacun son festin.

Sinon ? Il y avait plus de jus que chez un puceau de quarante ans.

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