Mais que ce mois de décembre fut palpitant, avec l’esprit tourné vers la promotion de mon premier enfantement. De la belle séance dédicace, de la prise de tête positive pour finir au mieux d’accompagner ce premier bébé, sans oublier quelques gueuletons bien ficelés. Encore et toujours, la table se multipliait en cette fin d’année. Et oui, il est temps dorénavant de laisser courir en autonomie le grimoire accompli. L’avantage avec le livre est que nous avons affaire à un objet intemporel, dont mes asticots pourront jouir de façon non accidentelle. Mais le moment n’était pas encore à cette projection, puisque des événements marquants devaient se dérouler stylo au poignet.
Je me souviens de ce week-end, où mon samedi et mon dimanche étaient dédiés à mon bagout littéraire, que j’espérais de bon goût. La salive que j’avais déployée en librairie ne m’avait pourtant pas empêché de baver devant mon futur souper. Il me restait assez de liquide sécrété par mes glandes pour tutoyer celles du veau, que j’allais honorer de mes plus beaux coups de chicots. Car oui, mes truites de ruisseau, il m’avait été fait une proposition de dîner aussi alléchante que celle de dormir sur un fil électrique pour un moineau. Ce plan orgasmique avait comme tête pensante une sapajou aimant la liesse. De plus, cette dernière savait pertinemment qu’il n’y avait aucun besoin de m’attacher en laisse pour me diriger vers des écuelles d’allégresses. La friponne réservait une table sûre, avec l’idée que nous nous sustentions en battant une somptueuse mesure. Diable, j’allais me retrouver au comptoir d’un lieu de vie sans m’être soucié un instant de mon samedi soir charmant. Attachez vos ceintures, on prend la croûte !
Nous étions attendus dans un lieu du bon, où la précision culinaire n’occultait pas une convivialité faite de passion. Le chef, jeune talent aimant courir des marathons, ne galopait pas lorsqu’il s’agissait de s’arrêter sur ses divines propositions. Des explications claires pour un individu ayant du flair. Aussi, nous nous trouvions chanceux d’être directement aux prises avec le merveilleux, puisque nous nous régalions au comptoir, endroit toujours rempli d’espoir. Ma gredine et moi surplombions les points de cuisson, sorte de chauffages odorants nous cajolant follement. D’ailleurs, lorsque je croisais dans les mains du maître queux un cœur de ris de veau, je n’avais pas eu besoin de lire la carte. Cette scène fut pour moi aussi explicite qu’un syndicaliste avec son éclatante pancarte. Ma ravissante puce, ce soir je vais m’envoyer un sacré thymus !
Alors je sais bien, mes noix de cajou, que ce mets est loin de faire l’unanimité. Pour beaucoup, il est repoussant car s’inscrivant dans la catégorie des abats. Que voulez-vous que je vous dise… Certains étalent bien leur foie gras, ne mangent pas la peau du confit, ou d’autres ne savent pas que Cambrai est pleine de bêtises. Le pardon n’est-il pas une vertu admirable ? En tout cas, en voyant l’assiette devant moi, je savais que mon choix était formidable. La paume, partie ronde et savoureuse, subjuguait par sa beauté mon voisin de gauche. Le joyeux drille souhaitait plonger son museau dans ma mousseline aux pleurotes, comme un martin-pêcheur à la vue d’un batracien qui gigote. Attend ton tour mon mignon ! Je comprenais tout de même son impatience, le mélange de l’animal et de l’accompagnement des sous-bois étant totalement affriolant. Croyez-moi que dans la salle, nous fantasmions tous de braiser aussi habilement que le marmiton !
Le précieux dessert que nous décidions d’embrasser de concert, sonnait comme l’épilogue d’une exquise escapade passagère. Il était venu le temps de serrer la pogne de celui qui nous accueillait, cousin de la filoute qui a voulu finir par une coquinerie chocolatée. Si l’entourage familial baigne comme ceci dans l’épicurisme, je veux bien continuer à rêver avec idéalisme.
Merci pour ce moment.
