L’autre soir, afin de patienter jusqu’à la rencontre testostéronée entre la France et les sudistes de l’Afrique, nous demandions seulement une chose, biberonner en posture flegmatique un breuvage iconique.
Tel un chat devant un bol de lait, ou une abeille face à un pot de miel, nous avions l’envie de succomber au raisin charnel. Le désir d’épouser la grappe du vigneron me faisait alors douter de ma véritable orientation. Alors essayons.
Il y avait ce soir-là, au centre de la table de joie, un flacon de Nuits-Saint-Georges qui nous tendait les bras. L’espiègle bourguignon souhaitait se faire déboucher tel un évier par un gros plombier. Cela tomber à pic, nous voulions volontiers jouer le rôle des artisans œnologiques.
Sous une robe pourpre crépusculaire, le breuvage nappait soyeusement les parois de nos verres. L’intérieur de nos corps attendait à leur tour de se faire couvrir du liquide sincère. Nos membres tremblaient d’impatience, à moins que ce soit le désir qui pilotait nos sens. Coquin de sort, nous allons te pomper sans relâche !
Vigoureux comme un papi après une pilule bleue, ce pinard nous montre véritablement ce qu’est le panard. Sensuel en bouche, les gorgées faisaient à chaque fois mouche. Nous étions bien en compagnie d’un travail béni. Merci la vie !
Le feu de cheminée réchauffait l’atmosphère, tandis que le nectar tiédissait nos discussions de plus en plus familières. Nos organismes recevaient les arômes envoutants, avec autant de générosité qu’un bénévole d’une ONG au Soudan. Un idiot s’exclamait alors qu’il sentait le réglisse, comme chez lui tout ce qui glisse. Le pardon valait bien ce délice. Finissons ce frisson !
La bouteille se vidait et la nostalgie s’installait. La noble chopine offerte par une âme câline sublimait les épaisses entrées en mêlée. La férocité à la rencontre de la suavité était le thème de notre soirée.
Malgré qu’il n’y avait aucun sommelier dans l’assemblée, le pinot noir trouvait en nos gosiers un abri de somptuosité. Nos becs embaumaient l’excellence, et se laver les ratiches n’avait pour moi plus aucun sens.
Monsieur Michel Magnien, grâce à votre grand cru, merci d’avoir cru en notre soif accrue.
