Chacun de nous perçoit le réconfort différemment, selon ses aspirations ou sa manière de voir la terre tourner en rond. Le mien serait évidemment un moment. Une mâche plus ou moins élégante, mais à coup sûr un rendez-vous consolatoire. Ce genre de manifestation redonnant de la force mentale, du courage, dans une situation faite d’ombrage. Il y a des refuges dans la vie où la joie s’exprime en baume, appliqué dans des situations de sourires en trombes. Bref, j’étais le week-end dernier dans la maison familiale, et la chaleur que dégageait la cheminée n’était rien face à l’incandescence des instants bouleversant nos sens.
Les températures ne chutaient pas en cette période ; elles étaient simplement parfaitement réglées sur le calendrier. Si le mois de novembre était aussi attrayant qu’une danseuse de flamenco sentant l’art à plein nez, cela se saurait ! Il faisait gris, ni trop chaud ni trop froid, avec une humidité pouvant faire danser les cloportes avec émoi. En somme, la météo justifiait d’allumer un feu de bois et de murmurer aux volatiles que la grille serait leur voie. Comment peut-on sérieusement refuser une soirée où la palombe serait reine ? Nous serions les courtisans d’une saisonnalité ! Hormis au Cap d’Agde, je n’ai que peu connu de jeu de rôle me tenant autant en haleine. Et puis, outre le produit, outre l’oiseau bleu, il y a la façon de le caresser. Le spectacle promettait de la magie pyrotechnique, puis le gibier serait arrosé à l’aide d’un capucin, sorte de cône iconique. Approchons-nous du feu et entrons dans ce divin jeu.
La nuit était tombée depuis longtemps, et nous rentrions à peine d’un match de rugby de notre fanion favori. La priorité ne résidait pas à se déchausser, mais à mettre les bûches qui se consumeraient pour nous exalter. Il y avait le temps avant de passer à table, le foyer berçant le rythme de vie espagnol d’une façon adorable. Aussi, il était inconcevable de perdre la flamme en attendant notre futur graal. La faim creusait légèrement nos estomacs, d’une façon pudique, nous permettant de jouir d’une salle d’attente elle aussi fantasmagorique. De la belle rillette, quelques œufs comme matelas pour anchois bénis, et des coquines gorgées approfondissant nos appétits. Nous étions occupés à bavarder, prenant tout de même le temps suffisant pour surveiller le flambadou qui chauffait. Cet outil est lourd, lourd de sens. De ce dernier coulerait le gras qui envelopperait nos divinités. Approchons-nous un peu plus…
J’enfoncerais une porte ouverte en disant que de la qualité de la palombe découle la beauté de la becquée. Seulement, c’est une partition de groupe qui allait se jouer sous nos yeux écarquillés. Lorsque le cuiseur me faisait part d’un morceau de gras acheté dans un marché ibérique, il y avait de fortes chances que le nappage soit fantastique. Le capucin rougeoyant était prêt à accueillir le morceau de cochon afin de lui dire de s’écouler amoureusement. L’épanchement devait être ardent, et nos sentiments sémillants. Diable, les oiseaux à peine rosés recevaient en guise de baptême l’eau angélique. La grassouille donnait un goût si particulier à nos mets que même un végétarien y trouverait un intérêt. Aussi, la chair était ferme et délicieusement gourmande. Comme des compagnons du devoir, nous nous aidions de nos doigts afin de disséquer nos platebandes. Nos museaux luisaient sous les coups de boutoir du gueuleton, et l’heure venait de déboutonner les pantalons. La dentition de l’assemblée baignait dans une flaque de restes, quand une loustic demandait si nous étions plus enclins à un dessert ou une vaste sieste…